Cet article fait partie de la Réunion Annuelle du Forum Économique Mondial .
Chaque année, les organisations humanitaires sauvent et protègent des dizaines de millions de personnes touchées par des crises à travers le monde.
Leurs interventions sont plus opportunes, pertinentes et efficaces que jamais. Mais l’action humanitaire n’est pas toujours aussi rapide qu’elle devrait l’être et les besoins sont satisfaits de manière inégale. Des sommes record ont beau être collectées, des niveaux de vulnérabilité croissants à travers le monde ont créé un fossé tenace et dangereux entre besoin et réponse. Historiquement, les donateurs ont financé un peu plus de la moitié de ce que les Nations Unies demandent chaque année. Alors, que devons-nous améliorer ?
Pour augmenter le pourcentage de zones secourues, les agences humanitaires doivent sortir des modèles de financement traditionnels, désormais insuffisants face aux crises complexes et prolongées auxquelles nous sommes confrontés. Les organisations humanitaires – et leurs partenaires financiers – devront adopter l’un des facteurs de succès les plus importants : la capacité d’adaptation et d’innovation pour résoudre les problèmes.
Je propose trois approches pour combler le déficit de financement et réorganiser le financement humanitaire : premièrement, nous devons cesser de réagir uniquement lorsqu’une crise entraîne déjà décès et souffrances, et adopter par défaut une approche de prévention anticipée et des actions précoces. Deuxièmement, nous devons créer de nouvelles sources de revenus durables en élargissant notre collaboration avec le secteur privé. Troisièmement, nous devons promouvoir un développement capable de renforcer la résilience et de réduire les besoins, tout en améliorant le ciblage, l’efficacité et la coordination des interventions humanitaires, de manière à maximiser la valeur de chaque dollar.
1. Financement anticipé et fonds de prévoyance
De nombreuses catastrophes et urgences sont prévisibles, avec des signaux d’alerte précoce s’accumulant sur plusieurs mois. Les régions du Sahel et de la Corne de l’Afrique, exposées à la sécheresse et à l’insécurité alimentaire chronique, en sont deux exemples. Dans ces scénarios, nous devons stimuler à la fois les actions et les interventions précoces via un financement prévisible.
En mai 2018, lorsque les premiers signes de sécheresse et de crise alimentaire ont fait leur apparition au Sahel, le Fonds central d’intervention d’urgence (FCIU) a affecté 30 millions de dollars au Burkina Faso, au Mali, à la Mauritanie et au Tchad afin d’aider les agences à engager une action rapide. Lier ce type de financement à des déclencheurs et des plans de mise en œuvre convenus à l’avance peut contribuer dans une large mesure à améliorer la conception et l’impact des programmes, à réduire les délais et les coûts de réponse et à diminuer les souffrances. En convenant à l’avance d’un fonds de prévoyance, l’argent peut arriver en quelques jours et non en plusieurs mois. L’un des développements les plus importants lorsqu’il s’agit de financement en temps de crise a été la création d’un guichet de financement de ripostes à la crise par la Banque mondiale pour l’aide au développement international.
À présent, les agences et les investisseurs vont plus loin et apportent leur aide en avance à l’aide d’un financement anticipé. Le fonds basé sur les prévisions établi par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, la fenêtre d’anticipation du Start Fund et le Mécanisme de lutte contre la famine (FAM) de la Banque mondiale et l’ONU, ne sont que trois exemples. Le FAM utilise des données d’alerte rapide et des analyses prédictives pour anticiper les pics d’insécurité alimentaire et de famine, en reliant les seuils avec le financement automatique préalablement convenu. En intégrant le caractère automatique, cette approche réduit l’impact des prises de décision irrationnelles concernant les réponses prioritaires, en remettant l’accent sur les besoins. La Banque mondiale estime que le FAM peut non seulement sauver des vies, mais aussi réduire les coûts de réponse de 30 %. En surveillant les progrès et l’impact des modèles de financement prédictif, nous commençons à comprendre ce qui fonctionne, dans le but de déterminer comment appliquer ces modèles à l’échelle.
2. Sources de financement basées sur le marché
Le système humanitaire dépend encore trop d’un modèle de financement traditionnel, basé sur les donateurs Les groupes humanitaires commencent à collaborer avec le secteur privé à la recherche de solutions d’investissement permettant d’augmenter les revenus et de lancer des modèles de financement alternatifs, mais il nous reste encore beaucoup à apprendre.
Certains classent les investisseurs en deux catégories : les investisseurs à grande échelle, tels que les sociétés d’assurance ; et les investisseurs pionniers, tels que les philanthropes prêts à prendre le risque que coûte un engagement à impact humanitaire.
En matière d’assurance, des sociétés telles que Swiss Re et Munich Re nouent de plus en plus d’alliances avec les gouvernements et, dans certains cas, les organisations humanitaires, afin de fournir un certain degré de protection face aux catastrophes naturelles. Le Mécanisme d’assurance contre les risques liés aux catastrophes dans les Caraïbes, qui verse de l’argent en cas de tremblements de terre, d’inondations ou de tempêtes, est un bon exemple. Les assurances figurent également dans le Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie de la Banque mondiale, qui a effectué son premier versement en 2018 pour aider le gouvernement de la République démocratique du Congo à lutter contre le virus Ebola. J’aimerais voir les assurances jouer un rôle croissant dans la protection d’urgence des pays à risque, mais aussi se développer même dans les zones de conflit.
Grâce à un plus grand engagement avec des modèles du secteur privé de ce type, les humanitaires amélioreront la collecte et l’analyse de données et renforceront notre analyse financière. Nous devrons également trouver des moyens de réduire les risques liés aux investissements afin d’accroître les chances que les investisseurs constatent l’impact de l’argent dépensé dans des dispositions instables. Bien entendu, il reste des obstacles à l’assurance et tout ne peut pas être assuré. Parallèlement à ces innovations en matière de financement humanitaire, il est tout aussi important de rechercher de meilleurs moyens de réduire le nombre de personnes ayant besoin d’aide.
3. Réduction des besoins et amélioration de l’efficacité
La réduction de la vulnérabilité et des besoins est au cœur de l’importance accordée à la prévention par le secrétaire général de l’ONU. Pour ce faire, nous devons travailler plus étroitement avec les organisations de développement afin de nous assurer que leurs efforts incluent même les personnes les plus marginalisées et touchées par la crise dans leurs investissements et leurs plans de développement.
Le système humanitaire doit par ailleurs montrer qu’il peut maximiser la valeur de chaque dollar investi. Nous devons nous assurer que nos systèmes et processus sont flexibles, efficaces, transparents et bien coordonnés. Ainsi, il est capital d’améliorer la qualité des évaluations des besoins, afin de développer une compréhension plus nuancée des besoins prioritaires de chaque communauté ou groupe de personnes touché. Parmi les missions du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (BCAH) se trouvent la coordination des évaluations des besoins, la mobilisation de fonds humanitaires et la coordination d’interventions efficaces. Nous venons de lancer l’aperçu humanitaire global de 2019, qui constitue l’évaluation la plus complète et la plus fiable des besoins humanitaires mondiaux et ce qu’il faudra pour y répondre. Les évaluations des besoins en matière de qualité constituent l’élément central des publications et nous devons continuer à améliorer leur précision et leur rigueur. Nous dirigeons également le FCIU et 19 fonds communs regroupés par pays, qui permettent de réduire les coûts de gestion, de réaliser des économies d’échelle et d’encourager la collaboration. À mesure que les besoins humanitaires grandissent, ces fonds doivent faire de même.
Les plans d’intervention d’aujourd’hui doivent être complétés par les approches novatrices décrites ci-dessus pour éviter un sous-financement chronique. Ces approches, si elles sont entreprises, connectées et développées à plus grande échelle, peuvent contribuer dans une large mesure à la construction d’un modèle financier plus durable et plus agile, adapté à l’avenir de l’action humanitaire.
En collaboration avec le WORLD ECONOMIC FORUM
https://www.weforum.org
Retrouvez l’article original ici.
Vos réactions