Les mouvements de protestations contre le port obligatoire du voile se multiplient en Iran, de plus en plus de femmes apparaissent cheveux au vent, en 1848, Fatemeh Baraghâni est la première femme iranienne de l’ère moderne à être apparue en public sans le voile.

Depuis le début de l’année 2018, les lois régissant le port du voile en Iran se sont assouplies, même s’il reste toujours obligatoire, un voilé mal porté n’est plus sanctionné par la prison, une sorte de dépénalisation timide.

En marge des protestations anti-régime, l’image dune femme brandissant son foulard en bout d’un bâton avait fait le tour de la toile, devenant ainsi le symbole de la lutte des femmes iraniennes, mais saviez-vous que cette image faisait écho à une autre plus ancienne ? Un siècle et demi plutôt, Fatemeh Baraghâni accomplissait le même geste, l’histoire se souviendra d’elle comme la première femme iranienne à s’être dressée contre l’ordre patriarcal dominant, comme la rebelle qui a eu le courage d’arracher son voile et de brandir une épée au milieu d’une assemblé d’hommes, vous verrez plus tard à quel point les réactions furent vivent.

Son nom ne vous évoque peut-être pas grand-chose, mais elle est une figure emblématique chez les féministes iraniens, notre rédaction vous propose de découvrir l’incroyable destin de cette femme hors du commun.

Fatemeh la pure

Née en 1818, non loin de Téhéran, Fatemeh Baraghâni , surnommée plus tard Fatemeh Taherer, signifiant la pure, est issue d’une famille de lettrés religieux, son père docteur en loi islamique lui inculque un enseignement religieux et lui transmet le goût de la littérature, elle se montrera particulièrement douée pour la poésie persane et arabe, ainsi que la théologie.

On la maria à l’âge de 13 ans avec son cousin, une célèbre figure religieuse de la région, quelques temps plus tard, voulant parfaire son éducation théologique, le couple ira s’installer en Irak pour se rapprocher de l’école Shaykhie, l’une des plus importante école philosophique et spirituelle du chiisme duodécimain.

Le Babisme, une révélation mystique

Durant leur séjour dans la ville irakienne de Kerbala, Fatemeh découvre les enseignements de Siyyid ‘Alí Muḥammad Shirází, surnommé le Bāb et fondateur d’un mouvement religieux réformateur appelé babisme. Elle reconnait dans sa personne le Mahdi Al montadar, à savoir le messie attendu, les idées progressistes de ce mouvement la séduisent, elle devient l’un de ses premiers disciples.

Elle se met propager sa nouvelle foi avec enthousiasme, mais face aux plaintes émises par le clergé chiites, elle sera déplacée vers Baghdad, avant d’être reconduite aux frontières perses.

De retour à son pays natal ; Fatemeh se sépare de son mari dont elle avait eu trois enfants, geste incroyablement audacieux pour l’époque.

De cette manière, elle peut se consacrer entièrement à répandre sa nouvelle doctrine, son discours trouve écho auprès de quelques femmes de la cours royale, ainsi le premier mouvement féminin organisé venait de naître en Perse.

La doctrine babiste commençait à prendre de l’ampleur, le clergé et le gouvernement persan tentent de la réprimer en emprisonnant le Báb.

En 1848, 81 disciple babis se réunissent dans le petit village perse de Badasht, près de la Mer Caspienne, afin d’organiser la libération de leur guide spirituel, Fatemeh était la seule femme présente à cette réunion, au cours d’un débat animé, elle ôte son voile et le jette à terre en proclamant :

ce jour est un jour de réjouissance universelle, le jour où se brisent les chaînes du passé; que ceux qui participent à ce grand événement se lèvent et s’embrasent !”

Cet acte jugé indécent frappe de stupeur l’auditoire, à tel point que l’un des babis se tranche la gorge sur place et que d’autres s’enfui-ent en abandonnant la foi.

Cet événement sera appelé la Conférence de Badasht et marquera un tournant décisif dans l’histoire du mouvement babiste, car il signera la rupture définitive avec la Charia islamique.

Un engagement qui prendra une issue tragique

Fatemeh fut arrêtée à l’issue de la conférence de Badasht, puis conduite à Téhéran, elle fut emprisonnée dans la maison du maire Maḥmúd Khán, où les dames de la noblesse venaient pour la rencontrer et l’écouter.

Le jeune roi de Perse Náṣiri’d-Dín Sháh Qájár (1831-1896) la rencontre et tombe sous son charme, et bien qu’il était un farouche opposant au mouvement babiste, il n’hésite pas à la demander en mariage, proposition qu’elle décline.

Quelque temps plus tard, le 15 août 1852. un babiste tentera d’assassiner le roi, les ennemis de Fatemeh saisissent l’occasion pour réclamer sa tête, le roi éconduit n’intervient pas en sa faveur.

Quand on lui annonça son exécution, elle se para comme la plus belle des mariées et déclara fièrement à ses bourreaux:

“Vous pouvez me tuer quand vous voulez, mais jamais vous n’arriverez à empêcher l’émancipation des femmes !”

Elle fut finalement étranglée par un inconnu, son corps fut jeté au fond d’un puits et recouvert de pierres.

Moins d’un demi siècle plus tard, en 1906, l’Iran connaissait sa révolution constitutionnelle qui mit un terme à 3000ans d’une monarchie absolue, elle devient le premier pays de la région à adopter un régime constitutionnel, il faudra cependant attendre un autre demi siècle, en1963, pour que les femmes obtiennent le droit de vote et d’éligibilité.

Par : Nesrine Briki, directrice éditoriale à Gouvernance.news

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