La coupe du monde de football 2018 débutera ce mois de juin en Russie. Un éventuel affrontement  entre l’ Arabie-Saoudite et l’Iran pourrait être un moments fort de ce mondial.

Cela s’ajoute aux multiples batailles liées au football. Et va bien au-delà d’une simple compétition sportive. Il s’agit d’une lutte pour le contrôle de la gouvernance au Moyen-Orient et en Asie.

Sans oublier la question des droits d’accueil du Qatar de la coupe du monde en 2022. Et celle des droits de diffusion qui menacent de priver de matchs les spectateurs des pays du Golfe.

 

Au-delà du football, l’enjeu politique

Cependant, il y a peu de chance qu’un match Iran/Arabie Saoudite se produise.

En effet, l’équipe iranienne figure parmi les meilleures du classement des pays de la région. Tandis que de nombreux spécialistes tiennent l’équipe saoudienne pour un outsider.

Néanmoins, la présence des deux équipes en Russie risquerait de mettre en lumière les guerres secrètes entre l’Arabie saoudite, l’UAE et l’Iran. Sans oublier le Qatar, pays hôte du Mondial 2022, non qualifié cette année.

Ce dernier commémore cette semaine l’imposition d’un embargo diplomatique et économique. Notamment à cause des soupçons sur  relations entretenues avec les groupes terroristes.

Les spectateurs su Moyen-Orient subissent déjà l’impact de cette situation. Il est question de savoir si les États boycottants autoriseront la diffusion de matchs par BeIN. Une chaîne de filiale sportive du réseau de télévision qatarie Al Jazeera, propriétaire des droits de diffusion.

En effet, ces États exigent que le Qatar ferme les volets d’Al Jazeera -ou du moins réduise- ses reportages et talk-shows en roue libre qui critiquent leurs politiques.

L’Arabie Saoudite a cherché à ignorer les droits du Qatar en créant BeOutQ ; une opération de bootlegging à 10 canaux basée dans le royaume. Tandis que les Émirats ont renoncé au blocage initial des émissions de BeIN, tout en maintenant le brouillage d’Al Jazeera.

Notons que BeOutQ transmet sur Arabsat, un satellites propriété de l’Arabie Saoudite.

Incapable de contester l’action saoudienne devant les tribunaux saoudiens, le Qatar a exhorté la FIFA à prendre des mesures contre cela. Allant même jusqu’à qualifier cette action  de “radiodiffuseurs pirates saoudiens“.

Football, l’autre religion sacrée

Dans certaines régions du monde le football est politiquement sensible. Ce sport évoque le genre de passion profonde telle que la religion ou le sentiment nationaliste.

Le Qatar semble déterminé à agir, notamment en bloquant les émissions de BeIN aux Émirats arabes unis.

D’ailleurs, la société de télécommunications et de télévision numérique des Émirats arabes unis a publié ce communiqué :

« Nous regrettons d’informer que nos clients sont temporairement dans l’impossibilité de visionner les chaînes sportives à la suite d’une décision du radiodiffuseur BeIN sports. »

En somme, la décision du Qatar ressemble à un tour de force pour contraindre les Émirats arabes unis à accepter ses conditions commerciales. Ce faisant, il remporterait un succès politique en violant le boycott.

Le différend reflète néanmoins un profond désaccord au sein du Conseil de coopération des six pays du Golfe (CCG) au sujet de la campagne contre le Qatar. Oman, à l’instar du Qatar, entretient des liens étroits avec l’Iran et a proposé de servir de médiateur. Il a également cherché à contrecarrer l’action saoudienne en interdisant l’importation de décodeurs beOutQ.

« L’importation de ces décodeurs, appelés beOutQ, est interdite parce qu’ils violent la loi sur la propriété intellectuelle », a déclaré un fonctionnaire omanais.

Les droits de diffusion du Qatar ne sont qu’un champ de bataille sur lequel se dispute le conflit du Golfe.

 

Gouvernance et ballon rond

Certains média ont exploité le lancement cette semaine à Londres de la Fondation pour l’intégrité sportive. Son fondateur, Jamie Fuller, est un éminent militant australien pour le nettoyage de la gouvernance mondiale du football.

Par ailleurs, le lancement s’est accompagné d’une réitération des affirmations sur les fautes commises par le Qatar dans le cadre de sa candidature à la Coupe du Monde.

Afin de compliquer davantage la vie du Qatar, l’Arabie saoudite a soutenu une proposition visant à accélérer l’expansion de la Coupe du monde de 32 à 48 équipes. Mesure prévue pour 2026, mais déjà applicable à la Coupe du monde 2022.

S’il est adopté, le Qatar pourrait être contraint de partager l’accueil du tournoi de 2022 avec d’autres pays de la région. L’Iran a dores et déjà offert d’aider le Qatar.

Les mesures prises par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis s’inscrivent dans le cadre d’un  effort visant à obtenir un certain contrôle de la gouvernance mondiale du football.

Pour ce faire, l’Arabie saoudite a unilatéralement lancé un nouveau bloc régional : la Fédération de football de l’Asie du Sud-Ouest (SWAFF). Ce qui constitue une violation potentielle des règles de la FIFA.

La fédération serait composée de membres  de la West Asian Football Federation (WAFF). Basée à Amman, elle regrouperait toutes les nations du Moyen-Orient, à l’exception d’Israël. Et sera dirigée par le prince jordanien Ali Bin Al-Hussein, un ardent défenseur de la réforme de la gouvernance du football.

La probabilité d’un décollage de SWAFF affaiblirait effectivement la WAFF dont l’Iran est un membre éminent. Il est peu probable que l’Iran veuille adhérer au SWAFF étant donné la possibilité que l’Arabie saoudite puisse d’emblée opposer son veto.

 

En conséquence, la candidature de l’Arabie saoudite pour l’hégémonie régionale du football est parallèle au vœu du président américain Donald J. Trump d’isoler l’Iran. Elle remet également en question le principe de la gouvernance mondiale du sport selon lequel le sport et la politique seraient séparés.

 

Par James M. Dorsey : Chercheur principal à la S. Rajaratnam School of International Studies, codirecteur de l’Institute for Fan Culture de l’Université de Würzburg. Membre expert Gouvernance, il est également co-animateur du podcas New Books in Middle Eastern StudieS.

Retrouvez l’article original ici

Traduit de l’anglais par la Rédaction

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