
Depuis que la Turquie a connu une crise économique en septembre – sa devise ayant chuté de quelque 40% – les marchés émergents du monde entier, de l’Afrique du Sud à l’Indonésie, ont également connu une chute des devises et des sorties d’investissements étrangers.
L’Argentine, qui s’était stabilisée après une crise au début de l’année, est à nouveau en mode urgence, avec des taux d’intérêt à 60%. Sa monnaie, le peso, a baissé de 45% en 2018 et de 24% en septembre.
Pourquoi différents pays, appartenant à des continents différents et dont les situations économiques et le leadership diffèrent, souffrent-ils des mêmes symptômes ?
La réponse courte est l’incertitude sur l’économie mondiale provoquée par la gestion économique des États-Unis.
L’économie américaine se développe très rapidement en ce moment. Poussé par les réductions d’impôts votées par le Congrès l’année dernière, ainsi que par la réduction des réglementations environnementales et autres « formalités administratives » imposée par le président Donald Trump, le marché boursier américain a atteint des sommets et la croissance économique a dépassé 4%, un taux extrêmement fort pour la plus grande économie du monde. Dans le même temps, la Réserve fédérale américaine commence à relever les taux d’intérêt, après une décennie de maintien des taux les plus bas.
Croissance trimestrielle du PIB réel aux États-Unis de 2011 à 2018

La vigueur des marchés américains, conjuguée à l’augmentation des taux d’intérêt, a attiré des investisseurs qui avaient investi dans des marchés émergents à forte croissance. Ce flux de fonds d’investissement aux États-Unis a, à son tour, accru la valeur du dollar américain, ce qui fait des États-Unis une destination encore plus attrayante pour les investisseurs.
Ajoutez à ces facteurs l’incertitude d’une guerre commerciale, les États-Unis imposant des droits de douane sur les produits étrangers – les derniers rapports indiquent jusqu’à 200 milliards de dollars de droits de douane sur les importations chinoises, sans compter les droits sur l’acier, l’aluminium et les autres produits. Quelle que soit l’issue d’une guerre commerciale, il est probable que les petits marchés en sortiront en moins bonne forme que les États-Unis. Cela aussi encourage les investisseurs à chercher des endroits plus sûrs pour placer leur argent – à savoir l’Amérique.
Recours au financement étranger
Parallèlement, dans chacun des marchés émergents, les histoires économiques individuelles se manifestent de différentes manières mais avec le même résultat : une perte de confiance des investisseurs, une sortie de fonds et une baisse de la valeur des devises. Les déclencheurs de l’effondrement des monnaies en Argentine, en Turquie, en Afrique du Sud et en Indonésie sont tous différents, mais ils partagent une chose en commun : une dépendance disproportionnée au financement étranger pour les déficits commerciaux et gouvernementaux.
L’Argentine a souffert plus tôt dans l’année après que la pire sécheresse en 50 ans ait frappé la production de maïs et de soja, deux cultures d’exportation importantes. Étant donné les faiblesses économiques résultant des politiques de libéralisation adoptées ces dernières années, cela a suffi pour faire basculer le pays dans une crise. Le FMI a été appelé et, en juin, il a promis un prêt de 50 milliards de dollars pour renverser la vapeur.
Puis, en septembre, la Turquie a été frappée par une dispute politique avec les États-Unis au sujet de la détention d’un prêtre américain et des sanctions contre certains dirigeants turcs, ce qui a incité les investisseurs à repenser leurs stratégies turques.
Cas unique ou presque au sein de l’ASEAN, l’Indonésie a un déficit courant élevé (plus de 2 milliards de dollars en juillet, le plus haut depuis cinq ans) et la dette extérieure la plus élevée de l’Asie, à 35% du PIB. Ces facteurs l’ont rendue vulnérable, sa monnaie a atteint son niveau le plus bas depuis la crise financière il y a plus de dix ans et la banque centrale du pays a été contrainte de relever ses taux d’intérêt.
Où aller ?
Les pays les plus endettés sont confrontés aux plus grands défis. Le total des emprunts sur tous les marchés émergents est passé de 21 billions de dollars en 2007 à 63 billions de dollars en 2017, soit plus de 200% du PIB. Selon l’analyste Satyajit Das, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, l’Afrique du Sud, le Mexique, le Chili, le Brésil et certains pays d’Europe de l’Est ont un niveau d’endettement compris entre 20% et 50% de leur PIB. Les investisseurs demandent à ces pays s’ils sont en mesure de rembourser ces dettes.
Cela dit, chacun de ces pays a sa propre histoire économique. Certains disent que les investisseurs ne considèrent plus les « marchés émergents » comme une grande catégorie d’actifs. Les mois à venir vont tester cette thèse.
Par : Michael Hanley : Head of Digital Communications, Member of the Executive Committee, World Economic Forum.
En collaboration avec le WORLD ECONOMIC FORUM
https://www.weforum.org
Retrouvez l’article original ici.
Vos réactions