Molière est un bon exemple historique en matière de propriété intellectuelle.

La propriété intellectuelle a volé en éclats avec l’avènement du numérique. Pourtant, c’est précisément le piratage des œuvres et leur téléchargement gratuit qui leur permettront de passer à la postérité et de préserver notre patrimoine artistique. Molière en personne peut en témoigner.

 

Molière est mort sur scène. Il se serait éteint en disant ces derniers mots : « Que le spectacle continue ». Nous le savons tous. Ce que nous savons moins c’est que de son vivant, le maître s’opposait farouchement à ce que ses pièces soient mises par écrit ou éditées. Le théâtre devait selon lui être vivant, être joué en public, être déclamé, être entendu, mais certainement pas abordé comme un lecteur le fait avec un livre : seul, au calme, lisant dans sa tête…

C’est parce que des fans de Molière ont retranscrit des pièces, par écrit et de mémoire, que les œuvres de l’auteur lui survécurent. À l’époque, Molière bénéficie d’un tel succès, d’une telle notoriété, que certains nobles d’alors n’hésitent pas à aller voir et revoir ses pièces des dizaines de fois. Elles font l’objet de discussions dans les salons. On se flatte d’avoir vu la dernière représentation de Monsieur de Molière à Paris. On s’enorgueillit de connaître par cœur des passages entiers de certaines pièces. On les récite. Les partisans de Molière affrontent ses détracteurs. Bref, Molière est une star. Il a ses fans. Ces derniers sont instruits, riches et issus du beau monde. Ils ont les moyens de retranscrire les œuvres pour en assurer ensuite une édition. Les uns, animés par un sentiment altruiste, veulent faire connaître au plus grand nombre les pièces du maître. Les autres, plus vénaux, lancent des éditions pirates à des fins pécuniaires.

Molière n’aura de cesse toute sa vie de tenter d’endiguer cette hémorragie. Il n’y parviendra que partiellement. Heureusement, car le siècle suivant oublie un temps le théâtre. Cet art qui était le genre littéraire par excellence du XVIIème siècle est supplanté. Molière est un temps oublié par l’histoire littéraire, puis redécouvert plus tard, grâce justement à ces éditions pirates.

 

Là encore, la démonstration est faite que ce qui est condamnable à un instant, peut être louable à un autre. Combien d’artistes piratés aujourd’hui échapperont à l’oubli, grâce aux enregistrements illicites, aux téléchargements pirates et aux autres entorses faites à leurs droits d’auteurs, qui permettront de les redécouvrir ?

Par Bertrand Jouvenot, Membre Expert Club Gouvernance.

Jouvenot.com

 

 

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