Les temps de confinement que nous connaissons imposent une forme d’immobilité aux corps mais pas aux esprits. La gouvernance, en tant que gestion des parties prenantes, pilote des ressources et circulation du contrôle et des valeurs dans l’organisation, est un filtre pertinent pour analyser la situation actuelle. Bras armé de la gouvernance, le management des risques ne peut être que renforcé pour répondre aux nouvelles dépendances que les réseaux créent.

Au-delà, cette crise souligne la force du non-financier et appelle à repenser les modes actuels de pensée.

De nouveaux réseaux (sociaux)

Si le Coronavirus s’est si rapidement répandu à la surface du globe, c’est en partie du fait de l’internationalisation des activités (qui ne sont donc plus propres à un seul pays) et de la mondialisation (les activités, y compris nationales ou locales, deviennent dépendantes d’autres activités de l’autre côté du globe). En soi, ce double mouvement constitue un risque comme un autre.

La théorie des réseaux souligne en effet l’interdépendance d’abord des pays entre eux (prenons l’exemple de la Chine dont la demande de pétrole s’est effondrée), puis des organisations entre elles (chaque structure est encastrée entre des fournisseurs et des clients, sans oublier les liens avec l’Etat) et enfin des individus entre eux (l’absence de collègues complexifie le fonctionnement des tâches quotidiennes, sans aborder le manque de rapports sociaux qui se fait ressentir). Nous sommes toutes et tous au cœur de dynamiques de réseau qui nous rendent plus efficaces mais aussi plus vulnérables (dans le cas ici du risque pandémique).

Manager le risque créé par les dépendances réciproques

La plupart des organisations de taille critique se sont dotées de systèmes de management des risques afin de comprendre les potentielles difficultés ou opportunités qui peuvent se présenter à elles. Ces systèmes, permettant tout à la fois de prévenir, détecter et gérer les risques, jouent un rôle stratégique fondamental afin d’assurer la survie de l’organisation.

Force est de constater, dans le cas d’une crise sanitaire telle que celle actuelle, qu’une minorité d’organisations est capable de faire face (sans doute parce que ce sont les autorités publiques qui gèrent ces sujets). Le déploiement du management des risques dans toutes les organisations semble donc incontournable, quitte à exiger des niveaux de finesse différents selon les risques et les tailles. Au-delà, un système centralisateur (privé ou public) des risques organisationnels pourrait accompagner les structures en difficulté. Parmi eux, la dépendance au capital non financier.

Une réelle dépendance au capital non financier

Le Coronavirus conduit les organisations (privées comme publiques) à constater une fois encore combien leur dépendance aux capitaux non financiers est forte. Tout d’abord, bien évidemment, la question des stocks et des capacités à se fournir en matières premières ou marchandises se pose dans de nombreuses entreprises.

Pour autant, dans le contexte de confinements, de quarantaines ou encore de fermetures d’établissements, la dépendance se fait notamment ressentir en termes de capital social, dans lequel il est possible d’intégrer le capital humain (les salariés, mais aussi les contributions venues de l’extérieur), le capital relationnel (alors que les liens s’effritent en période pandémique) ou encore le capital confiance (qui s’écroule au regard des réactions des marchés). En somme, c’est lorsque ces capitaux commencent à manquer que les organisations se rendent compte de la nécessité de les préserver, de les protéger et de les piloter.

Plus largement, l’économie a besoin de la société

La crise financière dans laquelle nous entrons, qui risque d’être suivie par une crise économique profonde, souligne que la bonne santé de l’économie est intimement reliée à la santé de la société, tant au sens réel que symbolique : éducation de qualité, démocratie fonctionnelle, etc.

La situation sanitaire actuelle vient donc souligner que les principes de développement durable, qui relient les dimensions économiques, sociales, sociétales et écologiques, ne sont pas seulement pertinents à long terme (préserver les ressources, la planète, etc.). A court terme, immédiatement, il nous faut les intégrer dans notre mode de pensée.

Ainsi, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) n’en est que plus incontournable. Non pas parce qu’elle crée de la valeur réputationnelle (si l’on voit la RSE sous un angle marketing cynique) ou bien parce que les organisations se mettent en conformité avec les valeurs exigées par la société. Non, la RSE est indispensable parce qu’elle permet de protéger les capitaux précédemment cités. Citons, dans le contexte sanitaire, les organisations qui mettent en place des actions de préventions des risques psycho-sociaux ou qui cherchent à préserver la santé des collaborateurs.

Tout est question de gouvernance

En somme, la crise du Coronavirus nous conduit à repenser la gouvernance des organisations, et ce de manière plus brutale (donc efficace ?) que la loi PACTE. Pour toutes les raisons précédemment décrites, les organisations sont encastrées dans des réseaux d’interdépendance avec leurs parties prenantes. Elles ne peuvent donc plus les ignorer : la gouvernance doit se tourner vers elles (même s’il convient de les hiérarchiser et de les prioriser) et construire avec elles l’avenir de l’organisation. Peut-être s’agit-il ici des ruptures que le Président Macron appelait de ses vœux lors de ses interventions. En ces temps qui s’annoncent complexes à tous les niveaux, il nous reste à (re)penser nos places dans le monde.

Par : Guillaume PLAISANCE : Doctorant contractuel enseignant en sciences de gestion
Expert et Administrateur de Recherches & Solidarités

Site guillaumeplaisance.fr

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