Dave Mirra est frappé d’une triple injustice. Celle de ne pas être aussi connu que Rafael Nadal, Lionel Messi ou encore Michael Jordan bien que plus médaillé encore. Celle de ne pas figurer parmi les personnalités citées par la littérature consacrée au leadership. Celle d’avoir souffert au point de se suicider. Celui que l’on surnommait « The Miracle Boy » était aussi un leader hors normes. Hommage.

Aucun livre américain consacré au leadership n’oserait prendre la liberté de ne pas faire figurer dans la liste des leaders pris en exemple, des sportifs. Des joueurs ou entraîneurs de basket, de baseball ou de football américain (Bill Parcells, John Madden, Phil Jackson) y occupent des places d’honneur aux cotés de présidents des États-Unis (Roosevelt, Kennedy…) ou d’autres hommes d’Etat (Winston Churchill…), d’entrepreneurs (Jack Welch, Bill Gates, Steve Jobs, Andy Grove, Richard Branson…), de militaires (Eisenhower…), de révolutionnaires (Mao Tse Tung, Ho Chi Minh, Che Guevara), d’idéologues (Martin Luther King, Gandhi…). En revanche, les champions issus des sports extrêmes, à l’exception peut-être de Kelly Slater, n’y figurent pour ainsi dire jamais. Pourtant les Bob Haro, Tony Hawk et autres Matt Hoffman y auraient légitimement leurs places.

Leadership, Portrait d’une légende

Dave Mirra (1974 – 2016) détient le record de médailles remportées aux X Games en BMX. Il détient également le record du monde dans la catégorie du plus haut saut sur une rampe en BMX et ce, sans être tiré par une moto. Il est aussi le premier homme à avoir effectué un double backflip (double saut périlleux arrière) en BMX lors d’une compétition (X Games en 2000).

 

Ses performances sont restées légendaires. Le public retenait son souffle dès qu’il donnait le coup de pédale qui allait le lancer en piste. Ses adversaires, parmi lesquels figuraient de nombreuses autres légendes vivantes du BMX telles que Denis McCoy, Matt Hoffman, Kevin Robinson…, suivaient le moindre de ses gestes avec une attention extrême, attendant que le miracle se produise. Et le miracle arrivait, toujours et encore, laissant les compétiteurs du « Miracle Boy » plus admiratifs que déçus de ne pas avoir gagné. Et ce, pendant dix ans.

Hommage à l’empereur du BMX

En 2016, Dave Mirra se suicide dans sa voiture, d’un coup de revolver. Il laisse sa femme Loren et leurs deux filles seules à tout jamais.

Lors des X Games qui suivent, un hommage officiel lui est naturellement rendu. Plus inhabituel, c’est l’hommage spontané des autres riders (champions) venus concourir ce jour là qui est le plus frappant. A tour de rôle, ils se mettent en selle et enchaînent des séries de sauts les plus extraordinaires, les plus dangereux, les plus difficiles, au risque de chuter, de se blesser et de compromettre leur participation ce jour là, à la suite de la compétition. Un tour de piste incroyable, jamais vu dans un autre sport ou pour un autre champion.

Peu importe, rien n’est assez grand pour Dave Mirra. Place aux images :

Champion jusqu’à la mort

De son leadership on retiendra quatre choses.

  • La passion pour le sport qu’il pratiquait et évoquait comme une manière de défier la mort. Un sentiment qui l’a conduit à oser imaginer l’impensable, à toujours repousser les limites du possible, pour apporter sans cesse la preuve qu’à cœur vaillant rien n’est impossible. Une audace qui propulsa le BMX encore plus loin, toujours plus haut, par les vocations qu’il créa, les défis qu’il lança à ses adversaires, les challenges qu’il su lui même se lancer.
  • La maîtrise de soi qui lui permit de transformer la peur en feu (when fear becomes fire) et de réaliser chaque fois l’exploit, l’inédit, l’inimaginable, l’impensable.
  • Le respect pour ses pairs, ses admirateurs, ses fans, ses aînés.
  • L’inspiration qu’il apporta à tellement d’autres riders, qui parlent aujourd’hui de lui comme l’empereur du BMX, l’incarnation absolue de l’esprit du BMX, un ami, un frère, un mentor…

De la fin de sa vie on se souviendra de ses difficultés à atterrir, à redescendre sur terre, à redevenir un homme ordinaire, loin de la gloire et des médailles. On retiendra surtout la réponse qu’il apporta à la question d’un journaliste qui lui demandait peu de temps avant sa mort : « Si votre vie était racontée sous forme de film, quel est le défi N°1 dont il faudrait parler? » La réponse de Dave Mirra fut : « Yourself« .

Ride in Peace Dave

Dave Mirra n’était qu’un homme, bien qu’extraordinaire.

Son combat contre sa condition d’homme en a fait une sorte de Sisyphe moderne, ou d’Icare. Voulant s’envoler, défier les lois terrestres, se libérer de ses chaînes, il ne se libérera pas de la prison dans laquelle son âme résida le temps d’une vie, le temps de nous faire rêver : un corps fait de chair et d’os.

Désormais au ciel, vous devez être un ange Monsieur Mirra, époustouflant les autres anges bien en peine de vous suivre dans votre créativité, votre inventivité et votre audace.  Mais le ciel est-il au moins assez grand pour vous accueillir ?

Par Bertrand Jouvenot, Membre Expert Club Gouvernance.

Jouvenot.com

Share: