Le Venezuela figure parmi les pays les plus riches en réserves pétrolières, pourtant, pour un pays qui n’est pas en situation de guerre, son économie se classe tristement parmi les moins performantes au monde.
Depuis 2016, plus d’un million de Vénézuéliens sont descendus dans la rue exprimer leur mécontentement contre la politique menée par l’actuel président, Nicolas Maduros.  Successeur et hériter d’Hugo Chavez depuis 2013, sa réélection en mai 2018, contestée par l’opposition, est jugée illégitime par Donald Trump qui impose de nouvelles sanctions économiques au Venezuela.

La valse des crises

Le pays traverse une crise socio-économique et politique sans précédent. Le PIB a chuté de plus d’un tiers entre 2013 et 2017. Selon le FMI, l’inflation pourrait dépasser le million de % à la fin de cette année.
L’une des raisons principale de cette débâcle est la chute des prix du pétrole, dont l’économie vénézuélienne est tributaire, l’or noir représente 96% de revenus de l’État.
Pendant longtemps, les hydrocarbures n’étaient qu’une des nombreuses ressources que le pays exportait, avec les produits de l’industrie lourde; comme l’acier, l’aluminium, ou le ciment, ainsi que les produits agricoles comme le riz et le maïs.

Peu à peu, les exportations se concentrent autour  du pétrole, en 2017, il représentait 98 % des recettes d’exportation du pays.

Ainsi, lorsque le prix du pétrole a chuté en 2014, passant de 115 $ à 35 $ le baril, l’économie vénézuélienne s’est également effondrée.
D’autre part, la production de pétrole, gérée par l’entreprise nationale PDVSA (Petróleos de Venezuela SA), a été réduite de moitié en l’espace d’une décennie, en 2008 le Venezuela produisait 3,2 millions de barils par jour, contre seulement 1,4 million aujourd’hui.
Sans oublier que le secteur des hydrocarbures, ainsi que d’autres secteurs économiques, sont passés sous le contrôle de l’armée, comme le fret, avec la société EMILTRA (Empresa Militar de Transporte), ou les ressources naturelles, avec la CAMIMPEG (Compañía Anónima Militar de Industrias Mineras, Petrolíferas y de Gas), on parle dans ce cas d’une “économie militarisée”.
Quoi qu’il en soit, toutes les entreprises nationales ont été durement touchées – les marchandises importées coûtant plus cher, cela impacte bien sûr les entreprises locales, forcées de facturer des prix plus élevés, y compris les produits de première nécessité.
Les gens dépensaient donc moins, ce qui signifiait que le gouvernement gagnait moins d’argent en recettes fiscales.
Le déficit s’élève aujourd’hui à 20% du PIB et la dette externe à 150 milliards de dollars, alors que les réserves ne sont que de 9 milliards.

Une population aux abois

Ainsi, Le pays qui possède les plus grandes réserves d’hydrocarbures au monde est dans l’incapacité d’importer en quantité suffisantes les produits de première nécessité tels que la nourriture et les médicaments. Les pénuries d’eau et les pannes d’électricité sont désormais le quotidien des Vénézuéliens.
Le spectre de la famine devient une menace sérieuse, en septembre de l’année dernière, Freddy Bernal, le ministre de l’agriculture a encouragé les citoyens a consommer du lapin, considéré comme un animal domestique dans le pays.
Il faut savoir que les prix des produits alimentaires sont devenus quasi inabordables ; un sac de riz coûte en moyenne 8 000 bolivares, alors que le salaire mensuel est de 219 000 bolivares, soit environ 49 Dollars.
Selon le Centre d’analyse sociale et de documentation (CENDAS), basé au Venezuela., un panier de produits alimentaires de base (œufs, lait et fruits compris) coûtait 772 614 bolivares en mars 2018, soit, plus de trois fois le salaire mensuel minimum,
La majorité des experts s’accordent à dire qu’il s’agit là, malheureusement, d’une situation caractéristique d’un effondrement rapide de l’économie.
La flambée des prix des produits alimentaires a entraîné l’amaigrissement de la population, le Vénézuélien moyen a perdu environ 10 kilos au cours des deux dernières années.
Autre conséquence dramatique de cette débâcle économique : la crise migratoire; 2,3 millions de Vénézuéliens, soit 7% de la population, ont quitté la misère depuis 2015.

Les pays limitrophes tentent de faire face à l’afflux de migrant, le 4 septembre dernier, onze pays d’Amérique latine étaient réunis en Équateur pour évoquer la questions des migrants vénézuéliens, appelant Caracas à accepter l’aide humanitaire nécessaire pour affronter cet afflux qui déstabilise les capacités d’accueil de la région.

Petro, entre pensée magique et méthode Coué

Dans une tentative désespérée d’arrêter la spirale de l’effondrement socio-économique, Nicolas Maduro a récemment introduit une nouvelle monnaie, le bolivar souverain. Il s’agit en réalité de l’ancienne monnaie amputée de cinq zéro. En d’autres termes, ce qui valait auparavant 1 000 000 bolivars vaut maintenant seulement 10 bolivars souverains.

La valeur de cette monnaie sera également liée au Petro, une cryptomonnaie financée par l’État, lancée au printemps de cette année.
Le premier jour de sa mise en vente, le Petro a engrangé 375 millions de dollars dans le cadre d’une “vente privée”, rapporte Reuters, l’identité des acquéreurs n’a jamais été révélée.
Selon le Time, l’acheteur serait la Russie, celle-ci aurait secrètement aidé le Venezuela à lancer le Petro comme moyen d’échapper aux sanctions américaines.
Ce ne qui ne contribue pas à rendre cette mise en circulation très transparente. S’agissant du Petro, certains sites de notation des cryptomonnaie parlent d’arnaque et de fraude.
Sans aller jusque là, les dysfonctionnements techniques, la valeur intrinsèque trop volatile et l’opacité qui entoure cette monnaie sont suffisants pour décourager les acheteurs les plus motivés. Le Petro est à la fois une idée innovante pour un État, en introduisant ces crypto-actifs dans son projet de développement, mais peut être aussi une mauvaise idée car la mauvaise gestion de ce projet peut accentuer la crise qui touche le pays.

Bitcoin comme autre alternative ?

Certains Vénézuéliens arrivent cependant à naviguer dans ces eaux troubles, grâce notamment à une autre cryptomonnaie : le Bitcoin. Car si le Petro peine à exister, le Bitcoin se porte plutôt bien.
Selon le site spécialisé Cointelegraph, En 2016, le nombre total de Bitcoin échangés via LocalBitcoins était de 8624, une augmentation de 318,8 % par rapport à l’année précédente qui coïncidait avec un taux d’inflation annuel du Venezuela atteignant jusqu’à 500 pour cent.

En 2017, le nombre total de Bitcoins échangés sur LocalBitcoins a de nouveau augmenté, atteignant 21 556, soit une augmentation de 150% par rapport à 2016. Étant donné que le Bitcoin lui-même est devenu plus cher en 2017 – atteignant 19 000 $ en décembre – cette expansion donne une indication claire de l’ampleur de la demande de cette monnaie comme alternative à la crise.

Par : Nesrine Briki, et Nassim Belouar , co-fondateur Blockchain Algeria

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