Réformer notre vie publique ne doit pas seulement viser les abus de certains élus. Il faut plus largement s’interroger sur une pratique éthique partagée par tous et attentive au bien commun.

Refonder les principes de la vie publique du point de vue de la moralité, relève d’une juste intention. Cet exercice de philosophie politique ne peut pour autant s’envisager seulement en réaction à une situation de crise morale qui, du reste, excède le champ des malversations publiquement incriminées. Les enfreintes au contrat social s’avèrent d’une même urgence. Moraliser la vie publique ne saurait se limiter à établir un registre des bonnes pratiques de nos élus. Il importe de redonner confiance à la société et de la rassembler autour d’un projet politique soucieux des valeurs que prône notre République.

Plutôt que d’inscrire l’initiative dans le registre de la morale, il aurait été préférable d’appréhender de tels enjeux en terme d’éthique. En démocratie, l’esprit critique, le débat d’idées doivent être privilégiés. Le moralisme inquiète, et les discours moralisateurs assénés au nom d’une vertu autoproclamée accentuent les suspicions. Le conformisme de circonstances se soumet au principe de précaution et à une sorte de bienséance opportuniste.

Refonder une sagesse de la vie publique engage à repenser ensemble les valeurs auxquelles nous sommes attaché, mais au-delà des cénacles, dans le cadre d’une concertation nationale.

Si le comportement scandaleux de certains «serviteurs de l’Etat» génère une suspicion préjudiciable à la respectabilité de tous, porter l’opprobre de manière indifférenciée s’avère discutable. C’est renoncer à considérer dans quelles conditions contraintes, parfois même indignes, certains d’entre eux exercent leurs missions de service public. C’est aussi ne pas être assez attentif au sentiment de mépris qu’éprouvent parmi nous les personnes en situation de précarité économique, de vulnérabilité sociale au regard de ce qui peut être compris comme l’expression d’un abandon de toute préoccupation publique à leur égard. L’exercice de responsabilités publiques assumées «avec dignité, impartialité, intégrité et probité» relève aussi de cette attention morale.

Moraliser la vie publique ne saurait donc nous exonérer d’une analyse lucide portant sur les fragilités sociales, les ruptures et les mutations qui bouleversent nos systèmes de référence, nos modes d’organisation et tout autant notre rapport à l’autre. Notre ambition doit être également l’intelligence d’innovations sociales, d’engagements et de solidarités, notamment dans le champ associatif, qui défendent les plus hautes valeurs de notre démocratie. Il importe d’intégrer leur expertise et de les associer à nos délibérations d’éthique politique.

Les conditions actuelles de recomposition politique et cette envie de renouveler les modes de gouvernance, en y associant des compétences et des talents trop souvent négligés, ne peuvent qu’inciter à une ambition plus exigeante que ne le serait un acte législatif qui s’ajouterait à d’autres. Faut-il renforcer les dispositifs qui se révèlent carentiels ou tenter…

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Par Emmanuel HIRSCH, Directeur de l’Espace régional de réflexion éthique Ile-de-France, de l’Espace national de réflexion éthique MND, et du Département de recherche en éthique, Université Paris

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