CIA contre Huawei

La bataille autour de la 5G fait rage entre ces deux puissances mondiales que sont les États Unis et les Chine.

L’enjeu est de taille : si les États Unis échouent à la course de la 5G, ils devront abdiquer devant l’hégémonie galopante de la Chine, perdant peut-être à jamais leurs place de « leader du monde ».

Cette bataille technologique est tellement stratégique pour les américains que la CIA a pris les devants, faisant fi de la Maison Blanche, du Congrès, du Département de Justice et du Pentagone qui, pendant ce temps, continuent à palabrer sur la meilleure approche pour combattre la domination de Huawei sur le futur réseau sans fil 5G américain. 

Toutefois, les actions entreprises par l’agence de renseignement sont-elles pour autant pertinentes? Quel modus operandi?  Quels moyens? Et quels défis?

US & 5G “si le fait l’accuse, le résultat l’excuse

Faisant sienne la doctrine de Machiavel ab initio, la CIA compte, cette fois-ci, appliquer, au sens littéral, le célèbre adage « la fin justifie les moyens ». 

En effet, l’agence de renseignement américaine a mobilisé des MOYENS financiers considérables, puisés dans l’argent des contribuables vers un fond d’investissement qui a placé l’argent dans une société privée créée spécialement pour concurrencer et vaincre Huawei dans le domaine de la 5G.

Le fond d’investissement en question n’est autre que In-Q-Tel, un fonds de capital-risque sous contrat avec la CIA. La société créée ad hoc, se nomme quant à elle: Parallel Wireless.

In-Q-Tel est une organisation à but non lucratif qui use des fonds gouvernementaux pour promouvoir les solutions de la Silicon Valley répondant aux problématiques de la communauté du renseignement. 

Elle a reçu près de 490 millions de dollars de fonds publics sur une période de cinq ans (2012-2017), ce qui représente plus de 98 % de ses revenus, selon les documents déposés auprès de l’IRS (Internal Revenue Service), l’agence fédérale de collecte de taxes et impôts.

In-Q-Tel a commencé à investir dans la technologie 5G il y a sept ans, selon la déclaration de son PDG Christopher Darby, devant la commission parlementaire permanente sur le renseignement. 

Jusqu’à ce jour, le fond continue à presser le Congrès de dépenser davantage pour affaiblir la domination de Huawei. Faisant abstraction de toutes critiques liées au fait d’avoir profité d’investissements réalisés avec l’argent des contribuables ainsi qu’aux salaires mirobolants de ses gestionnaires.

Il s’avère en effet, que les employés les mieux rémunérés de la société ont des salaires annuels de plus de 500 000 dollars, et les dossiers de l’IRS montrent que M. Darby a gagné plus de 1,6 million de dollars en 2017.

Cependant, il serait fort probable que ces critiques s’étouffent vélocement sous le poids des arguments de « politique de sécurité nationale », notion capitale qui a déterminé les États-Unis de l’après seconde guerre mondiale.

Un champion américain pour détrôner le roi de la 5G?

Parallel Wireless est un fournisseur de services de télécommunications basé dans le New Hampshire, qui est considéré comme une des solutions gouvernementales les plus prometteuses pour contrer la menace que constitue Huawei pour la sécurité nationale.

Cette société technologique se targue d’utiliser une approche centrée sur les logiciels pour construire un Réseau d’Accès Radio (RAN) qui, selon ce qui apparaît sur son site web, “éliminerait la nécessité de dépenser des millions de dollars pour de nouveaux équipements et des mises à jour d’infrastructures”, Elle affirme également que son “RAN ouvert“, qui nécessite un minimum de maintenance, est prêt à être déployé immédiatement.  

5G ou la croisade pour un monde libre

A entendre Steve Papa, PDG de Parallel Wireless, on croirait assister au prêche du Pape Urbain II pour lancer la première croisade et sauver le monde chrétien.

Il déclare:

« Parallel Wireless s’engage à détruire la menace que Huawei représente pour le monde libre…Nous travaillons activement à faire en sorte que l’Amérique et le monde soient libérés des contraintes de Huawei ».

Il est bien aimable de s’inquiéter pour la liberté du monde en proposant une alternative aussi contraignante que la première option. Cela équivaut pour le reste du monde, à choisir entre un geôlier chinois et américain! Enfin, ce discours n’est bon qu’à faire couler la larme sacrée du patriote du fin fond de l’Arkansas, l’allié indéfectible de la suprématie américaine.

Par ailleurs, même si le patron d’In-Q-Tel, M. Derby, reconnaît que PW ne résoudra pas les vulnérabilités de la cybersécurité du jour au lendemain, il insiste sur le fait que le gouvernement devrait quand même poursuivre le financement de leur technologie car le combat 5G sera certainement long. 

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est déterminé à faire tomber le géant chinois “Je pense que nous avons le temps de jouer le jeu comme nous le faisons le mieux, c’est-à-dire en perturbant”, a déclaré M. Darby. “Les titans peuvent tomber, et Huawei est un titan en ce moment, et nous pouvons les faire tomber si nous voulons doubler nos investissements.”

Défis

L’initiative de la CIA n’a pas récolté que des adhésions et tous les membres du gouvernement ne partagent pas la vision d’In-Q-Tel. 

D’ailleurs, en début d’année, lors d’une conférence sur le Chine au ministère de la justice, le procureur général William Barr a déclaré que les deux seules entreprises capables de concurrencer Huawei sont Nokia et Ericsson

W. Barr, étant ancien cadre de Verizon et maîtrisant donc les sujet liés aux télécoms, a démonté avec véhémence l’approche d’Open RAN , arguant que celle-ci prendrait de nombreuses années pour être développée et ne serait pas prête avant une décennie, si jamais elle l’était.

En outre, un élu siégeant au comité de renseignement du Congrès , M. Rogers, estime que la mission première de la CIA n’est pas de financer des technologies émergentes mais d’éclairer et d’alerter les décideurs politiques sur les menaces et les défis auxquels fait face le pays, pour ainsi permettre une prise de décision intelligente. Le cas échéant, aider à stimuler l’innovation dans le secteur privé.

Ce que la CIA veut, Dieu veut?

Il est vrai que l’Agence de renseignement américaine, en participant au capital d’entreprises privées, outrepasse sa mission initiale. Mais il n’est pas sûr que celle-ci recule face aux réticences et autres écueils; l’enjeu est si crucial pour les États-Unis que tous les coups sont permis; abattre Huawei est devenu un impératif pour la politique de sécurité nationale américaine. 

Détruire Huawei, les américains s’attellent à la tâche depuis un certain moment sans succès: Pression politique, pression commerciale, accusation d’espionnage, poursuites judiciaires à l’encontre de hauts responsable de l’entreprise…etc

Quoi qu’il en soit, l’option la plus crédible pour atteindre cet objectif, à savoir faire émerger un champion américain de la 5G, semble hors de portée dans l’immédiat. D’autant plus que l’entreprise chinoise détient déjà une technologie bien mature qui lui confère une bonne longueur d’avance.

Quant à l’idée d’acquérir les deux entreprises européennes Nokia et Ericsson, seule alternative sérieuse pour contrer Huawei, Il n’est pas sûr que l’Europe accepte de voir ses champions de la 5G passer sous pavillon américain. Ça serait peut être une aubaine pour les États-Unis, mais pas pour les reste des nations dont la souveraineté serait, encore une fois, assujettie à l’une des deux puissances mondiales dominantes.

Par : la rédaction

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