AMAZONIE la forêt amazonienne en feu
AMAZONIE – Les images de la combustion galopante de la forêt amazonienne continuent d’irriguer la toile.
Les foules s’indignent sur les réseaux sociaux en pointant du doigt l’inertie de la communauté internationale.
Dans de telles situations d’urgence, il est de coutume, au titre de la coopération et de la fraternité, que les Etats s’entraident, notamment par l’envoi de moyens humains, techniques et matériels. Il existe d’ailleurs des accords internationaux prévoyant une entraide dans ces cas de figures.
Pourquoi alors, quand la plus grande réserve naturelle au monde est en proie aux flammes depuis déjà 20 jours, nous ne voyons toujours pas cette coopération se mettre en place ? Quelles sont les solutions alternatives pour stopper et prévenir les incendies dans la forêt amazonienne ?

L’AMAZONIE SACRIFIEE SUR L’AUTEL DE LA SOUVERAINETE ?

Jair Bolsonaro a qualifié, jeudi 22 Août, d'”ingérence étrangère” et de “colonialisme” les expressions d’inquiétude du président français, Emmanuel Macron et du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres face à la situation. “Les pays qui envoient de l’argent ici ne le font pas par charité (…) Ils le font avec l’objectif d’interférer dans notre souveraineté”, a même déclaré le dirigeant brésilien d’extrême droite dans une vidéo diffusée sur Facebook.
Qualifiant la situation de “Crise internationale”, Emmanuel Macron insiste en inscrivant la catastrophe amazonienne à l’ordre du jour des discussions du sommet du G7 qui s’est tenu du 24 au 26 août 2019 à Biarritz. Toutes les propositions d’aide émanant de cette réunion ont été sévèrement rejetées par le président Jair Bolsonaro.
La posture politique rigide du leader brésilien fait donc barrage à toute tentative d’intervention extérieure dans la lutte contre les incendies.  Face à ce refus, il est légitime de poser la question suivante :  Bolsonaro a-t-il le droit de refuser l’aide internationale ?
Oui et non !
Oui, car le Brésil est un État souverain qui est amené à conduire ses affaires sans ingérence extérieure. Les autres Etats se doivent donc de respecter l’obligation de non-ingérence qui est un principe coutumier universellement applicable, garantissant l’Independence de l’Etat vis-à-vis de ses pairs.
Et non, car la crise amazonienne est loin d’être l’apanage du Brésil. Non seulement, elle implique tous les pays d’Amazonie (le Brésil (60%), la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Guyana, le Pérou, le Surinam, le Venezuela et un territoire français, le département de la Guyane), elle est aussi l’affaire de la planète entière, de l’humanité. 
Dans ce cas où la crise, ainsi que ses retombées, dépassent les frontières d’un Etat, une intervention étrangère devient de facto légitime. Il existe d’ailleurs là aussi, différents mécanismes dans le droit international qui le permettent.

ACTIONS A COURT TERME

Des actions immédiates peuvent être entreprises en se reposant sur les mécanismes existants :
1/La mise en place d’une coalition Internationale des forces de combat contre le feu équipée de moyens adéquats (Brigades de sapeurs-pompiers, militaires du génie, experts, des avions bombardiers d’eau type Canadair ou Hercule,  et autres engins terrestres d’intervention, drones terrestres…etc).
Il s’agirait plus précisément de lancer une mission de maintien de la paix avec mandat de protection des populations civiles. D’ailleurs, c’est au Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) qu’il incombe de charger les opérations de maintien de la paix, de mettre les civils à l’abri des menaces de mort.
Habituellement ceci est dédié aux conflits armés ce qui fait que cette option peut paraître disproportionnée et déplacée mais, un danger de mort est un danger de mort ; que ce soit par une mitrailleuse ou par un feu de forêt.
Rappelons-nous que la mission première du Conseil de Sécurité est ” le maintien de la paix et de la sécurité internationale” dont un des buts ultimes est “la protection des populations civiles”. Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies relatif à l’«action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression » précise que c’est au Conseil de sécurité de décider s’il y a lieu de créer une opération de maintien de la paix (OMP).
Il ne serait donc pas question d’une intervention militaire armée. Mais bien d’une intervention pour la protection des civils en combattant la propagation des feux et en appuyant l’aide humanitaire. Il ne faut pas oublier qu’au-delà de la flore et de la faune, la forêt amazonienne compte également des habitants qui sont menacés directement par les flammes tout comme et les populations des villes alentours qui suffoquent dans les fumées toxiques des incendies.
2/Utiliser des technologies à l’état de l’art comme les Applications Spatiales pour la gestion des catastrophes.
Concrètement, la plupart des agences spatiales de différents pays et services maîtrisent les mécanismes d’urgence les plus significatifs comme la Charte Internationale « Espace et Catastrophes Majeures ».
Aujourd’hui, les satellites sont capables de nous fournir une imagerie ultra précise sur la topographie et les sites en proie aux flammes. Ces données enrichies d’autres informations comme les prévisions de vent et de taux d’humidité par exemple puis combinées grâce à des supercalculateurs (HPC), peuvent nous donner des simulations sur l’évolution du feu. Ces estimations sont d’une importance capitale car ils permettent des prises de décision plus adéquates dans ces situations. 

APRES LES CASQUES BLEUS, LES CASQUES VERTS!

casques bleus

Enfin, ces deux options complémentaires, obéissent à la condition de consensus entre les Etats décisionnaires. Et ce type de décision lui-même obéit souvent à des logiques diplomatiques, de realpolitik et de stratégies géopolitiques qui peuvent représenter un écueil à la mise en place d’une telle solution.

Si à court terme, aucune aide ne peut être apportée pour différentes raisons, il faut néanmoins penser aux solutions à long terme. En plus des actions préventives, comment sauver des zones de notre planète qui se trouvent en détresse et dont les conséquences pour l’humanité ne peuvent être permises au motif du principe de « souveraineté » ?
Certaines pistes pourraient être envisagées, comme par exemple, la création d’un “Conseil de Sécurité de la Planète” à l’ONU, une version du CSNU qui serait spécialisée dans des missions d’intervention collective lors de catastrophes dévastatrices de notre environnement.  Ce type d’intervention pourrait être mené par une coalition de sapeurs-pompiers et de militaires du génie, qu’on pourrait appeler les “casques verts”. Ces derniers lutteraient pour le maintien de notre planète, tout comme les « casques bleus » luttent pour le maintien de la paix.
Directrice de la Stratégie, Gouvernance Think Tank Magazine
Share: