Tiers lieux culturel

Si les tiers lieux ouvrent de nouvelles perspectives structurantes en faveur d’un mieux vivre ensemble, la démarche qui les sous-tend permet aussi de réinventer ces espaces que les collectivités consacrent à la culture et notamment les bibliothèques, en transformant ces « lieux du livre » en « lieux à vivre ».

Nous cultivons tous des souvenirs émus de nos premiers pas dans une bibliothèque, à cette époque où le numérique n’avait pas encore bouleversé les fondements même de notre société, et ceux de notre rapport à la culture en particulier. Des couloirs à perte de vue, des kilomètres de rayonnages et des millions d’ouvrages que nous parcourions dans un silence monacal. On y venait alors pour consulter des livres, et parfois emprunter une VHS, un disque ou un DVD, pour les plus jeunes d’entre nous.

De “lieu du livre” à “lieu à vivre”

Pourtant, dès les années 80, certaines voix se levaient déjà, appelant de leur vœux la transformation de ces lieux de culture en de véritables lieux de vie, propices à rassembler les habitants autour de multiples activités. A l’image de cette citation visionnaire d’Umberto Ecco, qui ouvre le rapport intitulé « Voyage au pays des bibliothèques : lire aujourd’hui, lire demain » , remis au gouvernement en février 2018 par Erik Orsenna, nommé Ambassadeur de la lecture par le Ministère de la Culture. « Si la bibliothèque est comme le veut Borges un modèle de l’Univers essayons de le transformer en un univers à la mesure de l’homme ce qui veut dire aussi, je le rappelle, un univers gai, avec la possibilité d’un café-crème, et pourquoi pas, pour nos deux étudiants de s’asseoir un après-midi sur un canapé et je ne dis pas de s’abandonner à d’indécentes embrassades, mais de vivre un peu leur flirt dans la bibliothèque pendant qu’ils prennent et remettent sur les rayons quelques livres d’intérêt scientifique ; autrement dit une bibliothèque où l’on ait envie d’aller et qui progressivement se transforme en une grande machine pour le temps libre, comme le Musée d’Art Moderne de New York ou l’on peut tour à tour aller au cinéma, se promener dans le jardin, regarder les statues et manger un vrai repas. »

Au long des 70 pages du rapport, l’académicien décrit les bibliothèques modernes comme des « troisièmes lieux », des « endroit mixtes et chaleureux où l’on trouve des livres, mais pas seulement ». Au-delà de sa vocation initiale de lieu d’étude, de recherche et de prêt, et loin de son image poussiéreuse de sanctuaire des savoirs qui repousse ceux qui en sont traditionnellement les plus éloignés, la bibliothèque du XXIe siècle pourrait alors aussi devenir un espace de rencontre, d’échanges, de partage et de convivialité. Un lieu hybride et intermédiaire affichant une vocation sociale renforcée, ouvrant le champ des possibles jusqu’à devenir un véritable point d’ancrage territorial pour les collectivités. Après tout, la bibliothèque n’est-elle pas le deuxième type de structures culturelles le plus fréquenté en France, après le cinéma ?

Bibliothèque : un lieu d’ancrage territorial

Si cette vision pouvait paraître utopique il y a encore quelques dizaines d’années, elle résonne aujourd’hui pleinement avec nos réalités. Celles que traversent nos territoires comme celles qu’aspirent à vivre les citoyens qui les composent. A ce titre, elle doit interroger les collectivités territoriales qui aménagent nos espaces, organisent les rencontres, favorisent le développement de la mixité sociale et la construction d’une société plus inclusive. Confrontées à une érosion de leurs ressources, à une désertification des petites et moyennes villes, à une perte d’attractivité, elles pourraient voir dans ces bibliothèques 3.0 une réponse à ces enjeux multiples qui les bousculent. Transformés en tiers-lieux culturels – ou en maison de service public culturel de proximité – ces nouveaux espaces offrent en effet des perspectives nouvelles pour contribuer au maintien et au développement de l’emploi, multiplier les interactions sociales ou encore favoriser le lien intergénérationnel en rassemblant des services complémentaires autour d’un même pôle, plus adapté à l’évolution des pratiques et des modes de vie. Dans ce contexte, rien n’empêche chaque commune d’imaginer son propre tiers-lieu culturel et de l’adapter à ses préoccupations et ses enjeux territoriaux, dans un souci de gestion économique intelligente des espaces.

Tiers lieux culturels : l’exemple de la commune de Lezoux

Construite sur le principe des micro-zones, la médiathèque entre Dore et Allier, située à Lezoux dans le Puy-de-Dôme, concrétise pleinement cette démarche. Parce que la réussite d’un lieu culturel se mesure d’abord au bien-être de ceux qui la vivent, visiteurs et personnel, et qu’au-delà de l’effet de nouveauté, l’appropriation du lieu par les uns et les autres constitue l’enjeu essentiel. Ils doivent donc y découvrir ce qu’ils y cherchent, et plus encore pour y revenir. On y trouve ainsi, pèle-mêle, un espace multimédia, un espace participatif dans lequel chaque usager peut partager ses propres ressources, un espace petite enfance, un salon de détente, des salles de travail, un auditorium, un café, un lieu dédié à la création numérique, une salle consacrée aux jeux vidéo, mais aussi les bureaux de la PMI (Protection Maternelle et Infantile) ou de la Mission locale…bref, un lieu ressources multi-services autour duquel gravitent 13 points de lecture communaux, qui viennent structurer le territoire.

Crédits Photos : Denis Grudet – Médiathèque entre Dore et Allier

Vous l’avez compris : plus attractifs, ces tiers lieux culturels doivent s’affranchir du cadre rigide dans lequel on imaginait autrefois les bibliothèques pour se montrer plus modulables et plus collaboratifs, plus flexibles et plus ouverts, dans une démarche bienveillante et partagée. C’est d’ailleurs cette même vision qui anime chaque jour l’action des collaborateurs-trices de Manutan Collectivités, en proposant d’équiper ces nouveaux espaces culturels pour répondre aux besoins des collectivités territoriales, dans leur volonté d’améliorer la qualité de vie de leurs citoyens.

Par Philippe MallardExpert en innovation des espaces culturels des Collectivités.

Directeur Général chez Manutan Collectivités
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