Les stupéfiants font partis du commerce international au même titre que d’autres produits. Faute d’une définition précise par les traités internationaux, nous discuterons uniquement du cannabis, de l’héroïne et de la cocaïne. Certaines informations ont été obtenues auprès de policiers de la brigade des stupéfiants ainsi qu’à des douaniers qui ont préféré garder l’anonymat.

L’économie du trafic des stupéfiants

Le commerce international s’articule autour de quatre étapes fondamentales : la production, l’acheminement, la distribution et la remontée des dividendes

1. La production

Les théories économiques du commerce international renvoient à la pensée de David Ricardo à savoir celle de la spécialisation des pays en fonction de ses avantages comparatifs. En matière de stupéfiant, l’idée est similaire puisque chaque produit provient d’un pays en particulier.

La cocaïne est principalement produite en Colombie. Selon l’ONU, la fabrication de la cocaïne aurait atteint en 2016 près de 1400 tonnes dont près de 870 tonnes en Colombie en raison de l’augmentation de la production et des surfaces de cultures ces dernières années. Ceci est le résultat de plusieurs facteurs, dont le manque de produits de substitutions cultivables par les paysans et accaparement des anciennes zones contrôlées par les FARC, suite à leurs démobilisations, par des réseaux criminels (dont des anciens paramilitaires).

L’héroïne à base d’opium, produite à partir de la fleur de pavot, est essentiellement originaire d’Afghanistan. La production mondiale d’opium a augmenté de 65 % entre 2016 et 2017 et est estimée à 10 500 tonnes (selon l’ONU, il s’agit du chiffre le plus élevé enregistré depuis qu’elle travaille dessus). Il y a deux raisons qui expliquent la culture du pavot : le sous-développement économique de l’Afghanistan et la faiblesse du gouvernement (corrompu par ce trafic) face aux talibans et autres seigneurs tribaux qui prélèvent leurs dimes dessus. Par ailleurs, l’Afghanistan est un pays très aride et les paysans afghans trouvent intérêts à cultiver cette plante leurs rapportant plus que la culture d’autres plantes traditionnelles.

Le cannabis est principalement produit au Maroc puis en Afghanistan, Liban, Pakistan et dans certains laboratoires d’occident. Selon l’ONU, le cannabis était la drogue la plus répandue dans le monde sur l’année 2016 avec près de 192 millions de personnes l’ayant au moins fumé une fois. La croissance du PIB du Maroc est liée aux rendements du secteur agricole. Étant donné que les graines de cannabis poussent très bien sous le climat méditerranéen et que la région du Rif (région productrice du cannabis marocain) est très marginalisée, dont les mouvements sociaux d’El Hoceima l’illustrent parfaitement, les paysans sont par conséquent économiquement contraints de cultiver cette plante.

2. L’acheminement

Les trois produits sont acheminés de plusieurs manières par différentes voies en provenance de multiples points de départ. La cocaïne est envoyée soit par des mules soit par des cargaisons par voies maritimes directes ou de manière indirecte en passant notamment par l’Afrique de l’Ouest. Le cannabis est transporté par des petits bateaux très rapides qui vont traverser la méditerranée pour être arraisonné en Espagne et remonté en Europe via des Go fast..Etant donné que la demande mondiale de stupéfiants est en croissance (marché occidental, africain et asiatique), les réseaux criminels arrivent à trouver différentes voies pour acheminer leurs produits et les distribuer sur le territoire cible. Leurs risques de perdre leurs marchandises résident dans la saisie, le vol ou la destruction. Ils vont ainsi tout faire pour se protéger…

3. La distribution et le rapatriement des dividendes sous écriture bancaire

À l’image de produits de consommation courants, la distribution des stupéfiants est la phase où l’offre et la demande vont directement se confronter. Cette rencontre se fait soit chez le client soit chez le distributeur de détail comme point de vente. Aujourd’hui, les réseaux criminels français ont accès à toutes les couches sociales leur permettant d’écouler leurs marchandises à une pluralité de consommateurs (du riche au pauvre) à l’image de l’iPhone… Chaque produit vendu entraine obligation pour le distributeur d’alimenter son réseau au risque de perdre de l’argent (au même titre que la concurrence des opérateurs téléphoniques sur la fourniture du réseau 4G). En ce qui concerne, la vente  de cannabis, le simple guetteur gagnerait 100 € par jour, au-dessus le gérant 500 € par jour et au-dessus, chapeautant différents gérants, le caïd gagnerait 30 000 € par jour. Bien évidemment, les chiffres seraient plus colossaux en matière de cocaïne. On estime qu’un kilo de cocaïne acheté en Colombie serait de 1 200 € et revendu en France à près de 20 000 € (une tonne envoyée = 20 millions d’euros de vente).

La problématique de rapatriement des dividendes ainsi que le blanchissement d’argent se résout par la consommation directe, les paradis fiscaux (affaire HSBC ou Panama Papers) et les différents systèmes de compensations (comme le système de Saref). À ce jour, il est clairement évident que l’argent de la drogue constitue un vrai pouvoir pour les narcotrafiquants. Pire, au moment de la crise financière de 2008, l’argent de la drogue a permis de sauver une filiale de la banque Wells Fargo en blanchissant 378,4 milliards de dollars ! Face à cette organisation criminelle, quelles solutions peuvent-elles être pertinentes ?

Solutions proposées

La légalisation du cannabis n’est ni une proposition sérieuse ni pertinente au regard de la situation alarmante de notre pays.

En effet, elle n’entrainerait aucune baisse de la criminalité eu égard à l’existence d’autres produits (cocaïne par exemple). Par ailleurs, l’existence d’une économie légale n’élimine pas le commerce illégal à l’image de la contrebande de cigarettes générant des millions d’euros aux trafiquants. Par conséquent, le résultat escompté serait dérisoire au regard de l’importance de la préservation de la santé publique.

En effet, au moment où le prix des cigarettes augmente pour contraindre les français à moins fumer, on va d’un autre côté les autoriser à fumer… Par ailleurs, « La fumée de cannabis contiendrait sept fois plus de goudrons et de monoxyde de carbone que celle du tabac » selon l’Institut Nationale de la Consommation (calcul : 3 joints = 1 paquet) « Même avec un “joint” d’herbe pure, les quantités de goudrons et de CO2 dépassent celle d’une cigarette »… outre les aspects pulmonaires, le cannabis entrainerait des troubles au niveau du cerveau de l’être humain surtout chez l’adolescent.

Les partisans de cette proposition avancent qu’un contrôle des ventes permettrait de limiter la vente aux mineurs. Intriguant puisque cela existe sur les cigarettes et l’alcool sans pour autant arrêter la consommation des mineurs de ces deux produits. Par ailleurs, selon l’ONUDC « Le Colorado a été l’un des premiers États [USA] à adopter des mesures autorisant l’usage non médical de cannabis aux États-Unis. Depuis sa légalisation, la consommation de cannabis y a nettement augmenté parmi les personnes âgées de 18 à 25 ans et plus, mais est restée relativement stable parmi les personnes âgées de 17 à 18 ans. Toutefois, les consultations d’urgence liées au cannabis, les hospitalisations et accidents de la route, ainsi que les cas de conduite sous l’influence du cannabis y ont aussi considérablement augmenté »…

Ils affirment aussi que l’argent de la légalisation du cannabis soulagerait nos finances publiques. Évidemment, mais qu’en est-il des dépenses de santé en plus qui sortiront des caisses de l’État ? Notre système de santé est assuré par nos cotisations sociales et impôts (dont la CSG). La légalisation du cannabis (exemple Colorado), additionnée à la hausse de la consommation d’héroïne et de cocaïne (produite à base de kérosène et de Destop coupé à la vente avec n’importe quoi), entraînerait des catastrophes sanitaires sans précédent ! Est-ce que la TVA récoltée sur la vente du cannabis pourrait y faire face ? Hypothèse non sérieuse puisque ce qui rentrerait d’un côté ressortirait de l’autre avec des montants beaucoup plus considérables. De plus, cela aggraverait notre dette et rendrait la France beaucoup plus vulnérable puisque nous empruntons régulièrement sur les marchés financiers mondiaux pour financer nos dépenses publiques par l’agence France Trésor. La souveraineté des États (économique et régalienne) est directement concurrencée par ces réseaux criminels. Il serait utile d’évoquer quelques pistes de réflexion pour à minima réduire leurs influences.

D’abord, intervenir sur les pays producteurs en permettant d’avoir une économie portée sur la culture d’autres plantes traditionnelles. Ceci donnerait une vraie alternative pour les paysans et pourrait baisser la pauvreté qui motive les petites mains à travailler pour les réseaux criminels (les petites mains sont partout dans la chaine notamment certains dockers). Le chiffre d’affaires des trafiquants prospère en raison de certains pays déstabilisés (dont les pays de la bande sahélo-saharienne). Le plan G5 Sahel est ainsi pertinent pour réduire leurs influences notamment lorsqu’on sait que les terroristes du Sahel collaborent avec les trafiquants en raison d’intérêts communs (sécurisation du produit contre financement d’armes). La fin de la politique du chiffre en France augmenterait le démantèlement des réseaux criminels de la production à la distribution (les effectifs libérés pourraient faire face au darknet par exemple). Enfin, on pourrait allouer plus de moyens et d’importance au blanchiment d’argent à échelon européen et mondial (Al Capone est tombé par la lutte contre la fraude fiscale). Tracfin ne suffit pas…

Conscient que certains de nos quartiers sont devenus des zones où l’État français ne fait plus sa loi de manière effective et que certaines familles en vivent (courses ou loyers), soyons aussi conscient que l’argent des trafiquants circule dans le système financier mondial et cela doit nous alarmer dès lors que 55 % de notre dette est détenu par les étrangers[et que le reste est détenu par les banques françaises elles-mêmes infectées par l’argent de la drogue.

La France veut rendre ses ports attractifs en vertu de la promotion du commerce international, mais le problème est le suivant : nos frontières sont devenues des passoires. Afin de fluidifier le commerce entre nations, la France a réduit les délais de dédouanement à moins de 5 minutes. Par ailleurs, le nombre de douaniers est passé de près de 20 000 agents en 2005 à près de 17 000 aujourd’hui. Avec ces effectifs et cet impératif de commerce international, la douane contrôle en moyenne 3 marchandises pour 1000… Quand on sait que l’Union européenne a conclu un accord de libre-échange avec le Canada, avec le Japon, Singapour et qu’elle est en discussion avec le Mercosur (Union commerciale des Etats d’Amérique du Sud), comment limiter l’importation des drogues eu égard à l’afflux beaucoup plus massif de conteneurs bientôt sur nos ports ?

Enfin, il faudrait aussi faire une vraie politique en matière de prévention et de consommation. L’exemple suédois pourrait nous y aider puisque les suédois de 15 à 16 ans ont l’un des taux les plus bas en Europe de consommation de drogue (9 % contre 39 % en France).

Dernier mot, il faut aussi agir au niveau de nos concitoyens d’abord pour comprendre les raisons de leurs consommations et aussi les responsabiliser sur leurs actes, car, par leurs consommations, ils entretiennent les réseaux asservissant aussi les petites mains.

Par : Mohamed Gareche, Président chez G&G Tech

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