La bataille sur le décret instituant le fichier TES fait rage entre le Think Tank Génération Libre et le Ministère de l’Intérieur :

Le recours en “excès de pouvoir” de Génération Libre contre le « mégaficher » se poursuit ; il y est invoqué la violation par le décret du principe de proportionnalité et du RGPD.

Pour rappel, le fichier TES (fichier des titres électroniques sécurisés) est une base de données électronique, massive, centralisée et biométrique qui a pour vocation de rassembler les informations personnelles et les empreintes digitales de tous les détenteurs d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport français (décret N°2016-1460 du 28 octobre 2016 autorisant la création du fichier TES).

Génération Libre avait déposé la 10 novembre 2016 un recours pour excès de pouvoir contre le dit décret, devant le Conseil d’Etat; arguant ainsi du risque majeur d’atteinte à la vie privée.

Recours auquel le Ministère de l’Intérieur avait récemment rétorqué en produisant réponses et observations.

Ces dernières ne semblent pas être satisfaisantes aux yeux du Think Tank, puisqu’il a déposé le jeudi 11 janvier 2018 un nouveau Mémoire en réplique. Ce mémoire a principalement pour objet de répondre par de nouveaux moyens, aux arguments de défense avancés par l’autorité:

Les nouveaux moyens invoqués par le requérant (le Think Tank ) se rapportent d’une part à la violation par le décret du principe de proportionnalité, et d’autre part à l’entrée en vigueur imminente du nouveau règlement général de l’Union européenne sur la protection des données:

Violation du principe de proportionnalité

Génération Libre remet en cause l’argument principal pour la création du fichier TES, à savoir « sécuriser la délivrance des titres et améliorer corrélativement la lutte contre la fraude » et lui oppose la réalité statistique de la fraude contre laquelle le décret se propose de lutter.

En effet, après une analyse statistique poussée, le Think Tank a découvert que le fichier TES permettra de lutter, contre quelques dizaines cas frauduleux par an seulement.

Ce qui l’a amené à conclure, que la légitimité prétendue du décret est en réalité dérisoire et que le décret attaqué viole donc de façon grave et indiscutable le principe de proportionnalité.

Violation du règlement général sur la protection des données (RGPD)

Pour Génération Libre, qui demande l’annulation du décret, le fichier TES « viole de façon manifeste et indiscutable » le Règlement européen sur la protection des données personnelles qui entrera bientôt en vigueur.

Sur ce point, le Think Tank estime que Le RGPD ayant été adopté par le Conseil et le Parlement européen le 27 avril 2016, soit six mois avant le décret attaqué, le rédacteur de ce dernier ne pouvait en ignorer l’existence. Pourtant, le décret porte au moins trois violations lourdes du RGPD :

  • il organise la collecte et le traitement de données biométriques hors du cadre posé par le législateur européen ;
  • il ne répond pas à l’obligation de sécurisation des données personnelles imposée par le RGPD ;
  • il n’a été pas procédé à l’analyse d’impact requise.

Enfin, le Think Tank Génération Libre demande l’annulation du décret dans l’ensemble de ses dispositions car contraire à la Constitution, à la Convention européenne des droits de l’homme, au Règlement général sur la protection des données et à la loi.

Le moins qu’on puisse dire est que la riposte est bien bâtie face au ministère de l’intérieur et risque fortement de faire basculer le projet hérité du dernier quinquennat. A l’époque, le décret a déjà suscité la défiance des parties prenantes comme la CNIL, le CNNUM ou même Axelle Lemaire, alors Secrétaire d’État chargée du numérique.

Par Yasmine BRIKI

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