Le dernier rapport de l’institut Montaigne pointe les dysfonctionnements du système de protection sociale, et souligne la nécessité et l’urgence de moderniser son fonctionnement, notamment par une meilleure exploitation des outils numériques.

Hérité de la période après-guerre, le système de protection sociale repose sur les principes de solidarité et d’assurance, sa mission principale consiste à couvrir financièrement les citoyens qui font face aux risques sociaux tels que la maladie, la précarité, ou encore la perte d’emploi…

Et bien que plus de 700 milliards d’euros y sont consacrés chaque année, et qu’il représentait en 2015 plus de 32 % du PIB de la France, la survie de notre système de protection sociale est aujourd’hui menacée.

D’autant plus que les interactions entre les usagers et leurs centres de protection sociales manquent de fluidité, les démarches sont souvent compliquées et très chronophages, il s’agit d’un « véritable labyrinthe bureaucratique ».

Le rapport de l’institut Montaigne évoque son « son illisibilité, son inefficience au regard des sommes engagée », facteurs qui entraîneraient la remise en question du fonctionnement même de la protection sociale.

Il préconise une meilleure utilisation des outils numériques, l’automatisation des procédures permettrait un gain de productivité et la simplification des démarches pour les usagers.

Voici les 10 propositions formulées dans le rapport :

 

N°1 : faire du numérique un levier pour renforcer la lisibilité et les valeurs du système de protection sociale français. La clarification du fonctionnement du système permettra de susciter l’adhésion des citoyens et leur plus grande implication dans celui-ci. Cela implique de distinguer de manière nette les droits sociaux qui doivent relever de la solidarité nationale de ceux qui doivent relever de la logique assurantielle.

 

N°2 : étendre le principe de solidarité au partage de données pseudonymisées de protection sociale qui sont une ressource, certes non financière, mais néanmoins vitale pour la transformation de l’État-providence et son bon fonctionnement.

Il est nécessaire de rendre plus facilement accessible et exploitable l’ensemble des données non-nominatives utiles aux opérateurs privés ainsi qu’aux citoyens dès lors que ceux-ci souhaitent mener des recherches ou développer des solutions contribuant à l’efficacité et à l’équité du système de protection sociale.

Cela passe notamment par l’adoption d’une démarche politique incitative et non plus restrictive concernant le traitement de données. Une plus grande place doit ainsi être attribuée au contrôle a posteriori des autorités – comme la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) – plutôt qu’au rôle principalement ex-ante qu’elles occupent aujourd’hui. Les données nominatives demeurent la propriété de l’individu.

 

N° 3 : accélérer la transition d’un modèle de protection sociale fondé sur le principe de réparation à un modèle tourné vers la prévention, en s’aidant des technologies numériques ; dès lors, considérer la formation – initiale et continue – comme relevant de la même logique que la protection sociale, en tant que levier d’une action anticipée contre le risque de chômage.

N°4 : Faire de l’amélioration de l’expérience utilisateur – c’est-à-dire de la perception de l’interface par l’usager selon les qualités ergonomiques et de contenu qu’elle propose – un prérequis pour toute transformation du système de protection sociale. Cela implique de faciliter l’accès à l’information et à la responsabilisation, en offrant à l’assuré une vision transversale de ses interactions avec le système de protection sociale.

N°5 : s’appuyer sur les technologies numériques pour faciliter le calcul et le versement de l’ensemble des prestations sociales. Instaurer, à terme, un objectif de taux de recours de 100 % pour ces prestations, mettant ainsi fin aux inégalités et asymétries d’informations qui peuvent subsister entre citoyens.

En application du principe “dites-le nous une fois”, adapter la déclaration fiscale annuelle pour qu’elle constitue également le support pour calculer l’ensemble des droits aux prestations sociales, et actualiser ces droits en temps réel.

À terme, grâce aux technologies numériques qui permettent de gérer des systèmes d’information plus complexes et notamment de mieux apprécier les besoins des personnes et leur évolution, encourager la fusion de l’ensemble des minima sociaux et des prestations au sein d’une allocation unique de sécurité sociale, ajustable en temps réel en fonction de l’évolution de la situation de la personne.

N°6 : mettre en place un grand plan national numérique pour la responsabilisation des acteurs, visant à lutter contre la fraude et les abus aux prestations sociales, aux prélèvements sociaux, et aux cotisations sociales, s’appuyant sur la technologie en y associant les services fiscaux.

N°7 : dans une optique de fluidité de l’économie et d’équité de traitement, prendre en compte les modifications du marché du travail induites par la révolution numérique en encourageant une harmonisation progressive des statuts des travailleurs vers un statut unique de l’actif. Celui-ci intégrerait un socle minimal de couverture sociale pour chaque travailleur, indépendamment de sa situation juridique à l’égard du droit du travail (indépendant ou salarié).

N°8 : encourager un nouveau type de management public visant à faciliter la diffusion d’une culture numérique au sein de l’État. Pour ce faire, nommer un “directeur de la transformation numérique” (“Chief Digital Officer”) dédié à la protection sociale, disposant des moyens nécessaires pour construire un système doté d’une architecture numérique simple, souple et adaptée aux nombreuses évolutions technologiques à l’œuvre.

N°9 : encourager les collaborations entre secteurs public et privé dans le domaine de la protection sociale, par la mise en place de conventions, de soutiens financiers, techniques ou d’apport de données.

Pour ce faire, il est indispensable de passer outre les idées reçues visant à opposer les intérêts du secteur public et ceux du secteur privé, notamment dans le domaine de la santé. Seul un travail commun efficace, intégrant l’ensemble des acteurs et ayant pour objectif primordial l’intérêt des citoyens permettra de mettre en place un cadre propice à l’innovation.

N°10 : il est proposé de retenir les principes directeurs suivants en matière d’accès aux données de protection sociale et de bon usage de celles-ci par les acteurs privés et publics, à savoir :

 

  • écarter l’accès aux données si cela doit aboutir à une individualisation de la tarification en fonction de l’appréciation des risques, qui serait contraire au principe de solidarité.
  • l’encourager s’il permet l’individualisation de la gestion du risque dans le cadre d’un financement solidaire efficace et redistributif et s’il améliore l’expérience utilisateur.
  • le contrôler a posteriori, de façon très punitive et réactive, afin d’assurer la confiance des citoyens dans le dispositif d’accès aux données, et de réduire le risque d’abus à un niveau minimum.

 

Par : la rédaction.

Retrouvez l’intégralité du rapport ici.

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